La psychomotricité auprès de patients atteints de la maladie de Parkinson

Intervention de J.C. Limbour dans le cadre des journées départementales des maladies du cerveau
(le 21 septembre 2002)

Je vais vous parler d’un nouveau type de rééducation qui est peu connue, car elle est récente : c’est la rééducation psychomotrice et les apports qu’elle peut amener à des personnes atteintes par des maladies neurodégénératives.

Cela fait plus d’un an qu’à raison de deux fois par semaine, j’encadre des groupes de psychomotricité auprès de personnes atteintes par la maladie de Parkinson. Mon intervention va surtout évoquer ce que ces groupes m’ont amenés à observer et à comprendre ce qu’ils vivent.
Même si mes propos vont surtout parler de ces groupes, je pense que ces groupes thérapeutiques peuvent être bénéfiques pour des personnes atteintes par d’autres affections neurologiques, je pense notamment aux personnes affectées par la sclérose en plaque, par l’épilepsie ou la maladie d’Alzheimer…

Revenons-en au sujet principal de mon intervention : les groupes de psychomotricité auprès de sujets atteints de la maladie de parkinson.
Depuis 2001, nous nous réunissons plusieurs fois par semaine à Dinard et à saint Malo pour une séance d’une heure trente.
Ces groupes ont été institués par mme Lamaze qui était responsable du comité France parkinson. Elle souffre elle-même de cette affection depuis de nombreuses années. Comme elle a découvert les bienfaits des techniques de relaxation pour ses symptômes, elle a voulu faire bénéficier à d’autres patients ce qu’elle avait découvert. C’est ainsi que ces groupes ont pu voir le jour. Au nom des personnes des deux groupes et au mien, nous tenons à la remercier de cette initiative.

Dans l’exposé qui va suivre, je vais évoquer les techniques psychomotrices que nous utilisons lors de ces séances et les améliorations qu’elles ont pu apporter aux patients.
Je vais surtout vous parler du tai-chi-chuan qui est une relaxation dynamique issue de la tradition martiale chinoise. Cette technique est spécialement bien adaptée, comme nous allons le voir, aux difficultés que rencontrent les parkinsoniens.
Bien entendu, ces séances de rééducation psychomotrice sont un complément au traitement médicamenteux par la l-dopa et, en n’aucun cas, ne peut le remplacer.

Mon intervention s’articulera en trois parties
La première parlera des apports de cette technique sur l’akinésie
La deuxième évoquera ses apports sur l’équilibre.
En troisième partie, je vous parlerais des apports de ces séances sur l’hypertonie et la régulation émotionnelle.
Je terminerais cette intervention par ce qu’apporte ce type de groupe aux patients atteints par cette affection.

Les effets sur l’akinésie

L’akinésie, pour la définir, est une avarice de gestes dont souffrent les parkinsoniens, alors que leurs muscles ont une force suffisante et que leur innervation est intacte.
L’initiation du mouvement est retardée, le malade est obligé de penser aux gestes qu’il va exécuter tout au long de leur déroulement. Ces difficultés constituent la gêne motrice la plus importante. Cette perte de spontanéité, les échecs répétés d’initiation du mouvement entraînent une perte progressive de l’autonomie du malade.
L’explication physiologique est connue. Le locus niger, par l’intermédiaire de la dopamine, n’inhibe plus l’action modératrice du pallidum sur le cortex ; il y a donc diminution de l’initiative du mouvement. En des termes plus simples : ces noyaux qui sont malades, qui se situent sous le cortex, réduisent la spontanéité motrice.
Un exemple pour illustrer cette akinésie : c’est la difficulté qu’éprouvent de nombreux malades pour le franchissement d’un seuil de porte. En imaginant une marche et le geste de la monter, le parkinsonien va réussir à déclencher son pas.

Le tai-chi-chuan permet de travailler la phase pré-motrice des gestes.
Au début de l’apprentissage des mouvements, les malades effectuent les gestes en imitation visuelle.
Ils stimulent donc la dimension visuelle et spatiale des mouvements puis, en les répétant par eux même, doucement, et en se concentrant sur leurs sensations internes, ils apportent à ces images motrices des données proprioceptives et kinesthésiques.
Des nouveaux schèmes moteurs se mettent en place et permettent aux cortex moteurs de développer de nouvelles stratégies motrices. Celles-ci peuvent pallier aux dysfonctionnements des noyaux gris et diminuer l’influence négative qu’ils exercent sur les parties corticales qui lancent les mouvements.
Le fait de faire doucement et consciemment des mouvements variés ramène aux aires corticales de nombreuses sensations qui enrichissent les images pré-motrices et motrices du patient.

Les apports sur l’équilibre 

Quand on regarde un patient atteint de la maladie de parkinson marcher, on voit que ses pas sont de faible amplitude et précipités. Ses bras sont collés au corps, on a l’impression qu’il court après son centre de gravité. D’ailleurs, quand il s’arrête, il a des mouvements de rétropulsion pour retrouver son équilibre. Cette instabilité posturale peut être améliorée par les techniques psychomotrices que nous utilisons en séance.
Les mouvements lents que l’on effectue debout permettent un travail proprioceptif et sensoriel profond. Le fait de passer doucement le poids du corps sur une jambe et sur l’autre stimule de nombreuses zones du cerveau et ceci de façon accrue.
Grâce à cette augmentation des sensations proprioceptives et vestibulaires, les régions responsables de l’équilibre peuvent mobiliser de nouveaux circuits pour compenser ceux qui sont défaillants.

De récentes découvertes sur le cerveau montrent que, si la plupart des cellules nerveuses ne se multiplient plus, les neurones peuvent créer de nouvelles connections pour suppléer les circuits défaillants.
C’est ce qu’on appelle la plasticité cérébrale. Le cerveau peut ainsi mobiliser des circuits qu’il n’utilisait plus, qui étaient, en quelques sortes, en sommeil.
Ces données sont très intéressantes et encourageantes pour les patients atteints de maladies du cerveau. De plus, elles confirment l’importance des diverses rééducations (orthophonique, psychomotrice, kinésithérapie) et les bienfaits qu’elles peuvent apporter en stimulant, selon leurs propres spécificités, des régions du cerveau.

Les apports sur l’hypertonie et la régulation tonico-émotionnelle 

Les parkinsoniens ont du mal à obtenir un complet relâchement musculaire.
L’explication physiologique est celle ci : la voie extra pyramidale qui innerve les muscles striés est toujours mise en tension.
Ceci est lié au fait que la boucle nigro-strié ne modère plus son action. Les muscles sont soumis à une tension quasi permanente qui aboutit à cette hypertonie et à de nombreuses dystonies qui, à la longue, deviennent douloureuses.

Lors des séances, les mouvements que l’on effectue étirent l’ensemble de la musculature. Le fait d’enchaîner volontairement et consciemment ces mouvements étirent les muscles qui ainsi peuvent se détendre.
Je prendrais cette image des sportifs qui effectuent des étirements avant et après l’effort afin d’obtenir un meilleur relâchement neuromusculaire. Nous pourrions dire que ces mouvements ont cette même vertu et qu’ils concernent presque tous les muscles du corps.

C’est sur ce point que j’ai observé les améliorations les plus nettes.
Les patients qui effectuent chez eux régulièrement ces mouvements (qu’ils apprennent lors des séances) retrouvent une certaine souplesse qu’ils pensaient définitivement perdue à cause de leur maladie.
Je pense ici à une personne qui, quand elle sent que ses muscles se retendent, effectue ces mouvements. Cela lui permet de retrouver une motricité quasi normale.
Dans le reportage, une malade interviewée prenait l’exemple d’un matin où tout lui échappait des mains. Elle s’est alors retirée dans sa chambre et a effectué ces mouvements. Grâce à eux, elle a pu réguler son tonus et donc ses gestes.
Ceci m’amène à vous parler d’un autre aspect important du tai-chi-chuan qui est cette capacité à mieux gérer ses émotions négatives.
Tout parkinsonien connaît l’influence des émotions négatives (stress, anxiété) qui augmente leurs symptômes (tremblements, périodes de blocages).
Je voudrais ici souligner cette influence émotionnelle sur les symptômes qui est trop souvent peu pris en compte dans les traitements que l’on propose aux patients.

Outre le fait que l’exécution de ces mouvements complexes et variés requiert une concentration de chaque instant, les mouvements d’ouverture et de fermeture améliorent aussi la respiration qui devient plus ample et plus profonde. Ces deux effets, liés, amènent une détente psychique et aident le patient à mieux gérer son anxiété.
Vous connaissez tous ce conseil que l’on donne à des personnes qui stressent avant une épreuve de « bien respirer » afin de calmer leur anxiété. Et bien ces mouvements ont été spécialement étudiés pour approfondir la respiration, d’où cette capacité qui augmente avec la pratique de mieux gérer ses émotions.

Concernant l’influence des émotions sur la maladie de parkinson, on connaît la capacité d’un malade lors d’une décharge émotionnelle importante d’être dans une phase de kinésie paradoxale.
Par exemple, quand un parkinsonien vit un évènement important et motivant, son cerveau est capable de pallier son manque de dopamine pour s’adapter à cette situation, peut être par des décharges d’adrénaline qui est proche de la dopamine. Ce qui nous intéresse, c’est que pendant cette période, il ne connaît pas de gène motrice.

Lors de nos périodes d’échanges, les patients racontent souvent qu’ils ont découvert que lorsqu’ils faisaient quelque chose qui les motivaient et qui sortait un peu de l’ordinaire, ils arrivaient à mettre de coté leurs symptômes.
Par exemple, un patient, pour conduire sa voiture, voit disparaître ses tremblements et peut faire une grande distance sans être gêné. Une autre patiente, qui ne voulait plus aller au restaurant à cause de ses tremblements, s’est rendu compte qu’elle n’avait pas tremblé du tout pendant le repas.. J’ai entendu ainsi de nombreuses autres situations.

Ceci me fait dire qu’il y a souvent un fossé qui se creuse entre ce que les parkinsoniens croient pouvoir faire et leurs capacités réelles. Cela m’amène à vous inciter à faire des choses qui vous motivent et sortent de votre quotidien. Votre cerveau, dans ces situations, a les capacités de pallier, tout du moins à des stades pas trop avancés, vos gênes motrices.
Il faut le reconnaître, cela est très bénéfique pour leur moral et pour le moral de leur entourage proche.

Ceci m’ammène à aborder un autre aspect important de ces séances de rééducation qui est la dimension groupale.

Les apports du groupe

Les personnes atteintes de cette maladie (on peut l’élargir à d’autres maladies), ont beaucoup de difficultés à la vivre. Ils ont souvent tendance à se replier sur eux-même et à s’isoler. Les épisodes dépressifs sont très fréquents chez les parkinsoniens.

Lors de nos séances, nous prenons toujours un temps d’échanges et de partage. Les personnes parlent de leurs traitements, des essais auxquels ils participent, du médicament à base de papaye du pape…
Ils parlent aussi de leur état psychologique, des gènes qu’ils connaissent, des soucis de la vie en général que la maladie malheureusement ne leur évite pas. ..
Un monsieur qui a des symptômes importants a pu dire que ce qui l’embêtait le plus, c’était le poids qu’il était devenu pour sa famille. Le fait d’en parler ne résout pas le problème mais la personne peut mettre un peu de distance avec ce qui le fait souffrir et le communiquer à son entourage.

Un autre constat que m’a amené l’écoute de ces groupes, c’est la difficulté qu’ont les parkinsoniens à accepter cette maladie.
Le fait qu’on n’en connaisse pas la cause, qu’elle évolue de façon incertaine en gravité, de manière inconnue dans le temps rend le travail d’acceptation très difficile.

Vu l’importance des émotions sur les symptômes, il est clair que la non-acceptation de cette maladie les aggrave et accélère leur évolution. Certes, l’acceptation par le patient de sa maladie ne le guérit pas mais cela améliore son état somatique et psychologique qui, dans cette maladie, sont très liés.

Comme le groupe favorise l’acceptation de cette maladie, je me suis aperçu d’une diminution des épisodes dépressifs chez les patients participant à ces séances.

Ceci montre l’importance pour les patients de bénéficier d’une aide psychologique. Qu’elle soit sous une forme groupale comme nous le faisons ou de façon individuelle avec un thérapeute.
Pour les accompagner dans ce travail d’acceptation, l’influence des familles est aussi très importante. C’est pour cette raison que ces séances sont aussi ouvertes aux compagnes et aux compagnons des patients
Pratiquer une relaxation dynamique est aussi bénéfique pour eux. Le fait de participer aux temps de parole leur permet aussi un soutien psychologique et les aide à accepter la maladie de leur conjoint.
Pour conclure cette intervention, je répéterais la parole d’une participante qui exprime, à mon avis, l’objectif principal de ses séances de rééducation psychomotrice : « Je vis avec ma maladie, je ne la subis plus ».

Jean Christophe Limbour,
Psychomotricien en libéral à Saint Malo

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