Bonjour Juliette et Aurélien, tout d’abord, merci de nous accorder cette interview ! Suite à la sortie de votre livre « 100 idées pour développer la psychomotricité des enfants », nous avons souhaité en savoir un peu plus sur les auteurs qui se cachaient derrière cet ouvrage… Pouvez-vous vous présenter brièvement ?
Merci à vous pour votre invitation ! Nous sommes psychomotriciens D.E depuis un peu plus de 10 ans et exerçons tous les deux en cabinet libéral ainsi qu’en institution à temps partiel. Nous sommes également enseignants d’IFP parisiens (Ndlr : ISRP et Pitié Salpétrière). Tous deux formés à l’intégration sensorielle, Juliette est par ailleurs danse-thérapeute et Aurélien a obtenu un Master en psychomotricité.
Pourquoi avoir choisi la collection « 100 idées » ?
L’année dernière, nous avons été approchés par l’éditeur « Tom Pousse » pour participer à leur collection des « 100 idées », encore orpheline de toute production traitant de psychomotricité malgré la trentaine d’ouvrages déjà édités dans des champs thérapeutiques et rééducatifs.
Il s’agit d’une collection dite grand public, proposant aux enseignants et aux parents des exemples concrets « d’idées » pédagogiques permettant d’optimiser l’acquisition des apprentissages. Les auteurs sont tous des professionnels de terrain (orthophonistes, psychologues, médecins,…) et les difficultés scolaires sont souvent mises au premier plan.
Nous avions d’ailleurs quelques numéros de cette collection dans notre salle d’attente depuis plusieurs années mais trouvions dommage que certains thèmes comme la dyspraxie, les troubles de l’attention ou d’autres ne soient jamais abordés directement par des psychomotriciens.
Il est vrai que les psychomotriciens n’ont pas l’habitude de se retrouver dans ce type d’ouvrage destiné au « grand public »…
Oui, et nous sommes satisfaits de cette ouverture. En ce qui nous concerne, nous avons eu certaines appréhensions au départ… Nous craignions de trop simplifier l’approche psychomotrice, de tomber dans un « catalogue » de notre pratique, ou encore de laisser sous-entendre que quelques exercices à la maison pouvaient remplacer l’apport d’un professionnel… En concertation avec les éditeurs et en y réfléchissant bien, s’autoriser la vulgarisation – au sens noble – de notre profession afin que le plus grand nombre puisse la découvrir dans un langage accessible au « tout venant » nous a semblé être un défi plutôt intéressant à relever.
Nous nous sommes également confortés dans cette idée en nous rappelant le pragmatisme des premiers ouvrages de Mme Soubiran et de ses associés (1). Il y était décrit des exercices psychomoteurs simples et directement applicables, permettant de pallier à certaines difficultés de l’enfant à l’école. Nous apprécions cette conception de la psychomotricité abordable simplement par les « non-initiés » sans dénaturer son aspect technique et spécifique pour autant.
Quoiqu’il en soit, dans notre livre, nous ne manquons pas à chaque fin de chapitre thématique de référencer de nombreux ouvrages et articles de psychomotriciens de différentes obédiences afin de ne fermer aucune porte vers quiconque désirant en savoir plus sur notre profession.
Ce livre est très riche et aborde de nombreux thèmes, quel est l’intérêt de ce dernier pour les psychomotriciens, pour qui ces notions ne sont pas « nouvelles » ?
Nous devions respecter la ligne éditoriale consistant à mettre l’accent sur l’apport du soin psychomoteur dans le cadre des troubles des apprentissages. Cela implique par exemple de développer particulièrement les moyens d’actions à notre disposition dans le cadre des difficultés de concentration, d’écriture, de fonctions exécutives, de maladresse… qui constituent de nombreuses indications de soins psychomoteurs, notamment en cabinet libéral. Nous avons ainsi rassemblé des préconisations et nos avis sur les questions récurrentes auxquelles nous sommes confrontés. Par exemple : Comment aménager l’environnement pour un enfant TDA-H ? Vers quel sport se tourner pour un enfant dyspraxique ? Quels ajustements matériels privilégier pour un gaucher ? Comment améliorer l’écriture de cet enfant ? Quelles stratégies employer pour diminuer son impulsivité ? Quelles idées pour gérer son besoin incessant de mouvement ? Et pour l’aider à se détendre ? Et pouvoir améliorer sa distinction entre sa droite et sa gauche ? Est-il vraiment en retard par rapport aux autres ? etc, etc. etc. Nos éléments de réponses visent le pragmatisme et la facilité d’accès.
Et pour les étudiants ?
Nous n’avons évidemment pas fait l’économie de synthétiser les concepts fondateurs de la psychomotricité, accompagnés de tableaux et/ou de mindmap afin de disposer de repères d’âge et des périodes clés du développement.
Nous entendons souvent nos étudiants ou nos stagiaires dire qu’il faut « exercer la motricité fine », ou encore « travailler l’espace »… Nous leur renvoyons souvent au fait que cela peut paraitre trop vaste et imprécis lorsque d’autres professionnels nous lisent. Ainsi, nous avons essayé de sous-catégoriser au maximum les composantes mises en jeu dans chacun des domaines psychomoteurs afin de pouvoir les cibler plus finement par certains de nos dispositifs.
Votre livre s’adresse entre autres aux parents et enseignants. Qu’est-ce qu’il peut leur apporter ?
En première intention, nous insistons continuellement sur l’importance de considérer la place du corps dans les apprentissages. Nous ne cherchons pas à mettre les parents dans un rôle inapproprié de « rééducateurs à domicile » mais à les sensibiliser à notre approche en leur fournissant des idées de jeux pour leurs enfants dans le but de contribuer à donner un coup de pouce au développement.
Nous évoquons également les signes d’alerte qui peuvent leur être utiles s’ils se posent la question de la consultation d’un professionnel, et notamment d’un psychomotricien.
Enfin, nous citons également des exemples d’objectifs de prise en charge structurés afin que parents ou enseignants puissent avoir un aperçu de l’action concrète du psychomotricien au regard des troubles identifiés.
Nous avons constaté que deux directeurs des plus grands et anciens instituts de formations de psychomotriciens ont préfacé votre livre. La grande classe ! (Ndlr : Gérard Hermant et Anne Gatecel)
Oui ! En tant qu’anciens élèves et enseignants dans ces deux IFP, cela nous honore d’avoir eu ce double retour positif de leur part.. Nous avons été formés et travaillons en région parisienne mais avons déjà collaboré avec des équipes Toulousaines sur d’autres projet (2)… Nous sommes moins proches d’eux à cause de la distance qui nous sépare mais il est appréciable pour nous de pouvoir travailler avec tous les collègues désireux de faire avancer notre profession !
Nous en parlions il y a quelques mois sur notre site, votre vidéo 3 minutes de psychomotricité a fait un petit « buzz » sur les réseaux sociaux (plus de 15000 vues). Comment est venue l’idée de faire cette vidéo ?
Le but était de donner de la visibilité sur notre métier et le type de dispositifs que nous pouvons proposer en séance, le tout sur une musique agréable avec des plans rythmés sans dépasser les 3 minutes pour ne pas lasser le public.
Nous trouvons en effet que nous peinons encore à expliquer simplement et concrètement notre profession.
Pour l’anecdote, cette vidéo a même servi de support pédagogique en Chine pour présenter la profession qui tend à se développer là-bas.
3 minutes de psychomotricité… [A.D’IGNAZIO & J.MARTIN] from Aurélien D’Ignazio on Vimeo.
Merci à nouveau à vous deux de nous avoir accordé du temps pour cette interview : un dernier mot ?
Oui ! Nous souhaitons vivement que la recherche en psychomotricité avance et pensons qu’elle peut véritablement constituer un levier pour apporter du crédit et de la reconnaissance à notre métier. Elle peut permettre de « peser » un peu plus lourd au sein des instances ministérielles en vue de réactualiser un jour notre champ de compétence. En ce sens, nous saluons le travail des quelques psychomotriciens-chercheurs actuels, des syndicats (notamment la FFP qui agit beaucoup en sous-marin sans que les efforts puissent toujours être directement couronnés de résultats et reconnus de tous), des organisateurs de séminaires, colloques et dispositifs de formation, des coordinateurs pédagogiques et enseignants d’IFP soucieux d’actualiser leurs contenus de cours, des associations territoriales ainsi que tous les activistes locaux et autres personnalités engagées sur le terrain et sur les réseaux sociaux (L’association Calliopé, le GREP, le Collectif Communic’actif des psychomotriciens…).
Retrouvez un extrait du livre en cliquant ici
Retrouvez notre article parlant de ce livre ainsi que les différents liens pour le commander ici
(1) la réadaptation scolaires des enfants par la rééducation psychomotrices, 1965 (retour au texte 1)
(2) le Manuel de psychomotricité ; l’approche CO-OP… (retour au texte 2)
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