INTERVIEW – Violaine, psychomotricienne en cabinet libéral

Bonjour Violaine et merci d’avoir accepté de parler avec nous de votre profession, mais plus spécifiquement de votre travail au sein d’un cabinet libéral. Pourriez-vous vous présenter en quelques mots ?

Bonjour, je suis donc Violaine (rires) psychomotricienne diplômée de la pitié-salpétrière depuis 1998. Je travaille en libéral depuis ??? mais j’ai également déjà exercé en crèche et en maison de retraite.

Pourriez-vous nous expliquer en quelques mots à qui s’adresse la psychomotricité en libéral ?

Cela va être simple, elle s’adresse à tout le monde, de 0 à … et bien il n’y a pas de limite d’âge en fait. Du moment où vous avez une prescription médicale censée, que vous avez été orienté en psychomotricité, vous pouvez consulter un psychomotricien en cabinet libéral. La seule limitation, et pas des moindres, est financière. En effet, la psychomotricité en cabinet libéral n’est pas prise en charge par la sécurité sociale, contrairement aux consultations en établissement hospitalier par exemple. Quelques mutuelles prennent en charge une partie des soins mais cela reste encore trop exceptionnel.

Vous exercez donc sur prescription médicale, qui vous adresse principalement des patients ?

Les prescriptions émanent de différents types de médecins : neuropédiatres, psychiatres, pédiatres, médecins généralistes,… Mais les demandes sont parfois motivées par d’autres collègues du secteur de la santé : orthophonistes, psychologues, neuropsychologues, orthoptistes. L’établissement scolaire peut aussi être à l’origine de la demande : enseignants, RASED, Médecin ou psychologue scolaire. Quoi qu’il en soit, un médecin doit toujours coordonner les soins et réaliser une prescription médicale pour que nous puissions rencontrer le patient. Travailler en libéral, c’est être indépendant, mais c’est aussi et surtout créer et travailler en réseau. Je peux d’ailleurs moi-même être amenée à rediriger un de mes patients vers un des spécialistes cité ci-dessus.

Lorsqu’un patient vient vous voir pour la première fois, vous commencez par réaliser un bilan. Etes-vous alors amenée à poser un ou des diagnostics ?

Nous ne sommes pas médecins et ne sommes donc pas habilités à réaliser un diagnostic médical. Le bilan nous permet de réaliser un diagnostic psychomoteur (en retard, en avance, dans la moyenne sur tel et tel point) mais aussi de comprendre le fonctionnement propre du patient. Les tests étalonnés sont indispensables en libéral, c’est ce qu’attendent les médecins et la MDPH pour pouvoir poser un diagnostic et fournir au patient les aides qui lui sont nécessaires. Dans le compte rendu, j’indique les résultats obtenus ainsi que mes observations cliniques afin de pouvoir affiner et objectiver les difficultés et besoins de mon patient. Lorsqu’il y a des suspicions concernant une pathologie spécifique, je réoriente les familles vers des médecins spécialistes pour creuser, affirmer ou infirmer mes doutes.

On entend souvent que la psychomotricité s’adresse aux enfants, recevez-vous des adultes ? des personnes âgées ?

Il est vrai que, en libéral, une grosse partie de la demande concerne les enfants. Cependant, je suis également amenée à recevoir des adolescents, des adultes, voire des personnes âgées mais pour ces derniers, cela reste peu fréquent.

Concernant les apprentissages scolaires, quels sont pour vous les points sur lesquels parents et instituteurs doivent être vigilants ? Qu’est-ce qui, dans leurs observations, pourrait leur laisse penser à la nécessité d’une prise en charge en psychomotricité ?

Et bien, tout dépend de l’âge de l’enfant, de son histoire, des antécédents familiaux… Si je devais dire une chose aux famille, ce serait : « faites vous confiance ! ». Lorsque vous avez l’impression qu’il y a quelque chose d’étrange, que votre enfant évite certaines activités (pâte à modeler, jeux de construction, puzzle, vélo, etc..), qu’il peine à devenir autonome (demande systématiquement de l’aide, ne reste pas seul sur une activité,…), un bilan en psychomotricité peut être indiqué. Il ne s’agit pas de s’alarmer trop vite, mais de pouvoir prendre le temps de poser les choses, de rassurer, ou au contraire de pouvoir mettre en place rapidement les aides nécessaires. Une prise en charge précoce des troubles (s’il y en a) ne peut être que bénéfique.
Aux enseignants, je donnerais les points de vigilance suivants : des changements de main permanents en GSM associés à une maladresse significative par rapport aux autres enfants de son âge, un enfant qui refuse toute activité de motricité fine et/ou plus globale… Mais aussi, plus grand, lorsqu’il y a des inversions persistantes de lettres (b/d, p/q m/n notamment) ou de chiffres en fin de CP, si il écrit toujours les lettres en miroir à la fin du CE1, n’a jamais bien tenu son crayon, a des difficultés à écrire sur la ligne, est souvent dans le refus de faire. Ou encore, lorsqu’il y a une difficulté à se repérer dans un quadrillage, à reproduire des figures géométriques, des cahiers « sals » ou « mal écrits »… Un enfant qui se cogne régulièrement, a des difficultés en sport, se perd, ne se repère pas dans les jours de la semaine en primaire. Un enfant pour qui l’écriture, bien que belle, est douloureuse. Un enfant qui a des difficultés à organiser ses affaires en classe, dans son cartable ou sa case… mais aussi à s’organiser au collège. Lorsqu’un enfant oublie systématiquement ses affaires de géométrie, c’est suspect !! (rires)

Vous êtes-vous spécialisée dans un domaine en particulier ?

Oui, comme de nombreux confrères, au fil des années, je me suis spécialisée. Aujourd’hui, je rencontre essentiellement des enfants, adolescents ou adultes dits « à Haut Potentiel Intellectuel », d’anciens prématurés, mais aussi des patients souffrant de dépression ou en burn out.

Quels outils, quels médiations utilisez-vous dans vos rééducation en libéral ?

C’est un choix personnel, chaque psychomotricien a ses propres outils (bien que nous en ayons de nombreux en commun). Pour ma part, j’utilise beaucoup le travail de structuration psycho-corporelle de Benoît Lesage mais aussi la relaxation, le graphisme, le dessin, et tout un tas de jeux divers et variés dont je ne peux faire la liste ici !

Quels sont pour vous les points positifs de l’exercice en libéral ?

A mon sens, un des points vraiment positif de l’exercice en libéral est qu’on est régulièrement confronté à la nouveauté. Cela se renouvelle sans arrêt, c’est réellement passionnant. L’accueil particulier des stagiaires est également un vrai plus.

Et les points négatifs ?

Le côté administratif : lourd et pesant… Les rédactions de bilans, la comptabilité, les factures, les mails, le téléphone qui ne cesse de sonner… Tout cela prend un temps monstrueux !

Comme nous le disions précédemment, la psychomotricité en libéral n’est pas remboursée. Est-ce que vous constatez, dans votre pratique, que c’est un frein pour les familles ?

Pour ma part, cela reste rare car j’exerce dans une commune plutôt privilégiée… Mais je comprends parfaitement que cela puisse être un frein dans d’autres secteurs géographiques !

Quelles sont pour vous les qualités requises pour exercer la psychomotricité en cabinet libéral ?

Autonomie, résistance à la fatigue et à la pression, avoir beaucoup d’énergie et d’importantes capacités d’adaptation, être créatif, avoir un bagage théorique et pratique conséquent, aimer l’indépendance et, surtout, être en capacité de remettre en question ses connaissances en permanence. Il est indispensable de lire, de se tenir au courant des dernières recherches, de s’informer et se former tout au long de sa carrière.

Pour conclure, que diriez-vous aux psychomotriciens ou futurs psychomotriciens qui envisagent de s’installer en libéral ?

En libéral, on ne compte pas ses heures… Les demandes sont très variées et les exigences des prescripteurs et des familles élevées… Il est donc essentiel de préparer son projet d’installation bien en amont, d’être formé, équipé (en tests notamment), d’étudier avec précision le lieu d’installation (collègues du secteur, environnement, etc), mais aussi de préparer les pertes financières du début…
Et puis… surtout… prévoir un stock de vitamines !

Merci beaucoup Violaine pour cet échange, à très bientôt !

Merci à vous de m’avoir permis de parler mon métier !

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